Assis sur sa paillasse, le paladin ferma un instant les yeux. Les évènements s'étaient précipités si vite...
Il y a quelques mois à peine, il entrait en ville en tenant son cheval par la bride. Il rencontrait des individus et riait en leur compagnie ; il apprit à apprécier des gens qu'il n'aurait jamais côtoyés.
Puis il apprit la mort d'un frère des mains de séides d'un Dieu Noir. Il parvint encore, à ce moment-là, à se contrôler.
Puis, pour protéger la ville, il dut se battre aux côtés de ses assassins. Il parvint malgré tout à le faire, une fois de plus.
Il soupira et rouvrit les yeux sur les quelques sacoches qu'il préparait. De la viande séchée, quelques bandages, quelques fruits... Il n'avait pas osé, pas voulu prendre plus. La ville souffrait encore de la famine.
Était-ce de l'amitié qu'il y avait eu entre lui et certains des assassins ? De la pitié ? Même aujourd'hui, il n'arrivait pas à répondre à cette question. Les responsables l'avaient haï, l'avaient attaqué, l'avaient fait souffrir. Chaque jour, il priait pour être sûr de les pardonner et de pouvoir les tuer sans haine le jour venu. De pouvoir les tuer sans hésiter.
Le responsable direct de la mort de son frère avait été tué, lui. Des propres mains du paladin, portant l'arme sainte offerte par son supérieur. Il n'en n'était pas certain, mais pensait que c'était depuis ce jour-là que les doutes l'assaillaient. Avait-il bien agi ? Avait-il été trop vindicatif, ou pas assez ?
Et ce soir, il venait d'aider une ville. C'était un acte bon, il n'en doutait pas ; mais ses alliés de circonstance... Les uns étaient des meurtriers, les autres des assassins, les autres encore des manipulateurs. Et tous -même lui-, entravés par un ego surdimensionné qui les empêchait de bien prendre la mesure de la situation.
Aurait-il été un meilleur homme s'il n'avait pas été si seul ? Sans doute.
Mais ce qui était fait était fait. Et la ville, malgré tout, avait désormais une nouvelle loi. Une autorité qui promettait d'être plus juste, plus humaine. Si elle ne l'était pas, alors le reste des membres du Temple pourraient agir bien mieux que face à l'ancien dirigeant.
La passation des compétences était assurée. Les affaires requises étaient réglées.
Dans son âme, dans son cœur, il restait encore un errant. Un errant qui, parfois, avait besoin de ses frères et de ses supérieurs... Et tous lui avaient été arrachés.
Il termina de boucler ses sacoches après les avoir vérifiées une énième fois, et s'allongea pour dormir.
A l'aube, les lève-tôt virent le paladin Vahîs Ameretat, templier du Renouveau, Bastion de la Foi de Torm, quitter la cité sans un mot.